L’espace communautaire est sous les projecteurs ces dernières années. Des coups d’Etat militaires aux coups d’Etat électoraux, passant par des coups d’Etat constitutionnels et institutionnels, la CEDEAO demeure impuissante. Elle fait montre d’une impuissance caractérisée face au diktat de certains Chefs d’Etat qui ont réussi le pari de prendre en otage leurs peuples, à travers ses subterfuges et stratégies qui défient les instruments de l’institution, notamment le Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne gouvernance.
Au sein de la CEDEAO, certains pays se sont spécialisés en matière de holdup électoraux. D’autres sont passés maître en coups d’Etat militaires. La constante manipulation des Constitutions en est la spécialité de plus d’un. Dans le lot, le Togo à lui seul développe l’ingénierie des coups d’Etat militaires, institutionnels, constitutionnels et électoraux. De quoi surnommer le phénomène « sorcellerie togolaise ».
La conséquence de cette situation est désastreuse pour les peuples qui voient leur souveraineté confisquée ; leur droit et dignité bafoués ; leurs intérêts et besoins primaires relégués aux oubliettes.
Dans la plupart des pays en souffrance démocratique, le développement est une chimère. La grande majorité des populations vivent sous le seuil de l’extrême pauvreté. La liberté d’expression et d’opinion est confisquée. La liberté d’association, de réunion et de manifestation est supprimée. Des milliers de morts, des centaines de prisonniers politiques; des exilés politiques, des disparitions forcées etc, tels sont les nombreuses contraintes auxquelles font face les populations dans certains pays.
La libre circulation des personnes et des biens et une chimère vendue aux populations.
Bref, la CEDEAO s’identifie à partir de tout ceci, comme un instrument des Chefs d’Etat pour brimer les peuples.
Face au drame, la société civile se mobilise et se dresse en rempart pour exiger des réformes profondes de la CEDEAO. L’institution est appelée à inscrire dans ses instruments juridiques, le principe de la limitation du mandat des Chefs d’Etat et de gouvernement, ceci pour arrimer la formule à la nouvelle ingénierie développée par le Togo, en choisissant de passer outre la classe politique de l’opposition, le peuple togolais et les organisations de la société civile pour unilatéralement changer de Constitution et de République afin de perpétuer une dynastie qui est allée du père Gnassingbé Eyadema (37 ans, 9 mois et 21 jours passés à la tête du pays) au fils Faure Gnassingbé (dont le quatrième mandat prend fin en février 2025 et qui, à travers une nouvelle Constitution, s’est fait taillée à la mesure, un poste de Président de conseil des ministres, poste au mandat “no limit” pour consacrer une présidence à vie).
La CEDEAO oscille entre « opérer de sérieuses réformes pour exister » ou « se soumettre à la volonté et diktat des Chefs d’Etat et disparaitre ». L’équation est pour l’heure, à plusieurs inconnus. L’avènement de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) née du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, vient comme une énorme pression, tant sur la CEDEAO que sur la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement. Que faire ? C’est la grande question qui reste entière.

D’où le vibrant appel d’Abuja du 13 décembre 2024 de la société civile ouest africaine appelant les Chefs d’Etat des pays où l’alternance est un acquis indéniable à faire bouger les lignes, afin de faire la mue de « la CEDEAO des Chefs d’Etat » à la « CEDEAO des PEUPLES ».
Rodrigue Ahégo
Libre penseur

